Maurice Loutreuil Maurice Loutreuil, l’insoumis, 1885-1925

Exposition
20 octobre 2006

Depuis plusieurs années, expositions et études ont revisité l’École de Paris, incitant à porter un regard nouveau sur le foisonnement artistique que connurent Montmartre et Montparnasse dans les années 1920 sous l’impulsion d’artistes étrangers mais aussi français, l’importance de ces derniers ayant été souvent occultée.

L’exposition “Maurice Loutreuil (1885-1923) l’insoumis” s’inscrit dans cette réflexion. Elle a été organisée conjointement par le musée d’art moderne de Céret, le musée de Tessé et le Centre Culturel de la Sarthe.

Cent vingt ans après la naissance du peintre, au moment où, avec le recul nécessaire, l’Histoire se ré-écrit avec plus de rigueur, on reconnaît maintenant la part prépondérante qui lui revient, en tout cas à partir de 1920 et jusqu’à sa mort précoce en 1925, dans la vie de Montparnasse.

La stature de cet artiste a été mise en évidence par les expositions importantes qui lui ont été consacrées dans les vingt dernières années, et notamment, par l’exposition organisée à Paris au Musée Antoine Bourdelle en 1994.

Si son destin de peintre a fait de Maurice Loutreuil un peintre “parisien”, il a passé les deux-tiers de sa vie dans la Sarthe où sa famille s’enracine.

Ses grands parents paternels vivent à Chérancé, “mon village à l’angélus” écrira-t-il plus tard, son père est clerc de notaire à Montmirail où naît Maurice en 1885 puis notaire au Mans où il meurt en 1904. C’est au Mans au lycée Montesquieu que Maurice Loutreuil fait ses études secondaires, qu’il découvre son irrépressible passion pour la peinture acquérant les bases solides du métier à l’École de dessin, alors dirigée par l’académique Jules-Alfred Hervé-Mathé. L’un de ses condisciples s’appelle Théodore Boulard (1887-1961), un de ses amis est Henri Gizard (1879-1929).

En 1909, il “monte” à Paris, essayant vainement d’entrer à l’École des Beaux-Arts. Il apprend la technique de la fresque qui lui donnera cette rapidité dans le travail, cette prise directe avec la surface du tableau. Pour vivre, en plus des quelques subsides familiaux et d’une bourse du Département de la Sarthe, il dessine des caricatures pour les journaux Le Charivari, l’Assiette au beurre…

En 1914, l’absurdité de la guerre le révolte, il rêve d’une union internationale des artistes et des intellectuels contre la guerre. Il quitte la France en décembre pour la Sardaigne et Naples.

Arrêté, envoyé à Marseille, emprisonné puis relâché, il part de nouveau vers la Tunisie cette fois. Éternel errant, à la recherche d’un absolu, Loutreuil ne cessera de partir ou de rêver de départ.

En 1919, il séjourne à Céret avec André Masson. Pinkus Krémègne les a précédés, Soutine les suivra. C’est pour lui une expérience passionnante, qui est intervenue à la fois comme un révèlateur et un tournant artistique pour son travail.

Entre 1919 et 1925, son port d’attache est son atelier du Pré Saint-Gervais à Paris. Il travaille dans les académies, il participe à plus d’une vingtaine d’expositions collectives. Aux jeudis du Parnasse, il retrouve ses amis ou compagnons de travail : Krémègne, Kikoïne, Dobrinski…. Toujours épris d’absolu, il lance l’idée du “Salon de l’œuvre anonyme” ; généreux malgré son dénuement, il aide de jeunes artistes.

L’été 1923, le ramène dans la Sarthe, il séjourne à Mamers chez son frère aîné Arsène, notaire comme leur père, dont il fera un superbe portrait. Il peint la campagne qui l’entoure, des scènes pittoresques : le marché, les commères en conversation, mais aussi de remarquables natures-mortes.

En 1924 un dernier voyage le mène au Sénégal d’où il rapportera de grands paysages et des portraits éblouissants d’humanité.

Il meurt le 21 janvier 1925 à l’hôpital Broussais.

L’exposition réunit environ 150 œuvres, peintures, aquarelles et dessins provenant de collections publiques – Musée National d’art Moderne, Centre Georges Pompidou, Musée d’art Moderne de Troyes…- et privées françaises et étrangères. Certaines œuvres n’ont jamais été montrées.

L’abondante correspondance, plus de 650 lettres échangées entre autres par le peintre avec son frère aîné Arsène, témoigne de ses recherches, de ses doutes, de ses aspirations. C’est l’itinéraire d’un artiste. Elle est aussi une remarquable évocation de la vie artistique parisienne entre 1910 et 1925. Transcrite par Jean Levantal, historien de Maurice Loutreuil, elle sera donnée aux Archives Départementales de la Sarthe à l’occasion de cette exposition.