Chaim Soutine

Séjours à Céret en 1919-1922.

Après des études aux Beaux-arts de Vilnius (Lituanie) où il se lie d’amitié avec Kikoïne et Krémègne, Soutine rejoint ses amis à Paris en 1913. Il loge à La Ruche puis à la cité Falguière. Pendant quelques mois, il suit des cours dans l’atelier Cormon à l’école des Beaux-arts. Au Louvre, il admire les œuvres de Rembrandt, Le Tintoret, Courbet, Chardin… Il séjourne à Cagnes en 1918 avec Modigliani et y découvre la Méditerranée et la couleur. L’année d’après, poussé par son marchand Zborowski, il rejoint Céret pour une longue période de trois ans, d’octobre 1919 à 1922, durant laquelle il fera aussi des allers-retours entre Cagnes et Paris. À Céret, Soutine investit les cinq francs qu’il reçoit de son marchand dans des tubes de peinture. Il vit misérablement, habillé du même bleu de chauffe durant tout son séjour et sur lequel il essuie ses pinceaux. Les habitants l’ont surnommé « el pintre brut », le peintre sale. Zborowski décrit la période cérétane de son protégé ainsi : « Il s’en va dans la campagne où il vit comme un misérable dans une sorte d’étable à cochons. Il se lève à quatre heures du matin, fait vingt kilomètres à pied, chargé de ses toiles et couleurs, pour trouver un site qui lui plaise, et rentre se coucher en oubliant de manger. Puis, il décloue sa toile et, l’ayant étendue sur celle de la veille, il s’endort à côté ». Soutine vit sans doute au début de son séjour dans des casots, sortes de petits appentis construits dans les champs pour le matériel agricole mais, par la suite, il loue des chambres chez les cérétans habitant le centre de la ville, proposant parfois de payer le loyer avec une œuvre.

De 1919 à 1922 il peint un ensemble considérable de toiles, estimé à deux cents environ. Ces « tableaux de Céret » occupent une place à part dans sa carrière. Au fur et à mesure de son séjour son style très figuratif évolue vers un expressionnisme déroutant voire violent. La facture énergique, la pâte épaisse, les tourbillons de couleurs et de mouvements donneront l’expression la plus forte et la plus convaincante de son art. Les vues peintes sont de plus en plus rapprochées, touffues et déstructurées, écrasées dans le plan du tableau et coupées par les bords de la toile. Un mouvement les agite, Soutine évite les verticales et les horizontales strictes. Le procédé accentue l’inclinaison des maisons et des arbres qui vacillent. Soutine travaille directement sur le motif, peignant ses paysages dans la nature. Mais l’énergie exprimée dans ces toiles rejaillit aussi sur les portraits et les natures mortes peintes à cette époque comme la série des Hommes en prière ou des Glaïeuls. Il commence aussi, à Céret, la série des Bœufs écorchés.

En 1923, le Docteur Barnes, célèbre collectionneur américain, découvre le travail de Soutine dans la galerie de Paul Guillaume et y achète plusieurs toiles peintes à Céret. La condition sociale de Soutine se transforme radicalement en même temps que sa réputation est faite.

Durant l’été 2000, le musée de Céret organise une exposition regroupant plus de 70 toiles exécutées par cet artiste dans notre ville, révélant ainsi, au-delà de cette très forte expressivité, le lien profond, quasi viscéral, qui s’est établi entre Soutine et les paysages cérétans.

En trois années, Soutine a saisi dans ses compositions les lieux les plus emblématiques de la ville comme la place de la Liberté, l’église Saint-Pierre, le couvent des Capucins, le ravin des Tins…