Vincent Bioulès Espace et Paysage 1966 – 2006

Un voyage à Céret

Exposition
16 juin 2006

Vincent Bioulès a commencé sa toute jeune carrière d’artiste en peignant des paysages sur le motif avec une émotion particulière face à un chêne, un pin, un mazet, des cyprès, mais aussi le vert, la lumière, l’éclat du ciel, l’espace, la liberté.

Aujourd’hui, il dit lui-même : “Et puisque me voici arrivé à un âge où il est plus facile de se retourner sur sa propre vie que d’en imaginer la suite, je crois pouvoir considérer ma peinture traversée par un vecteur unique enracinée dans cette première expérience et malgré toutes ses contradictions et la multiplicité des expériences dont elle semble le témoin“.

Dans les années 1960, il a fait partie de la génération qui, à un moment donné, a considéré la peinture abstraite comme un progrès objectif et il n’a pas manqué de la mettre en pratique, avec ses camarades. Dans la fièvre des évènements de 68, Vincent Bioulès et ses amis ont considéré la peinture abstraite comme une arme de combat et l’ont utilisée comme un élément de stratégie. C’est ainsi que Bioulès est devenu un peintre non figuratif, ce qui lui a valu d’être intronisé dans un mouvement d’avant-garde, connu de tous aujourd’hui, le mouvement support-surface*. Cependant dans les années 70 la conquête de cette liberté collective, semblait lui faire perdre sa propre liberté, il s’en explique très sobrement “La diversité du monde dont j’étais le témoin ne me paraissait pas pouvoir entrer dans les bandes juxtaposées sur mes tableaux, bien que l’on eut pris soin de m’enseigner les vertus de la porte étroite. Très vite je pris conscience que mes peintures d’alors ne cessaient, dans la contrainte, de faire appel à cet espace où j’avais découvert très tôt dans ma propre expérience à la fois le symbole et les raisons de ma propre vie. En peignant à la fin des années 70 une série de grands tableaux figurant une place et une fontaine à Aix-en-Provence, j’affirmais publiquement ainsi ma décision de quitter l’abstraction ; encore me fallait-il réfléchir sur ce que pouvait être “figurer” après en avoir pratiqué le deni. Et c’est ainsi que j’ai du par la suite me livrer à une exploration méthodique d’un vocabulaire de signes et d’une syntaxe qui m’ont valu d’être souvent considéré tel un artiste éclectique et peut être maniériste“.

Aujourd’hui et pour la grande exposition qui aura lieu cet été sur les cimaises du musée de Céret, Vincent Bioulès puise dans cette inestimable expérience face à un paysage jusqu’alors inconnu une extraordinaire acuité sensitive qu’il possède et maîtrise merveilleusement, il l’exprime très clairement ” L’expérience que je puis faire aujourd’hui à Céret, face à un paysage jusqu’alors inconnu, me conduit d’abord à tacher de comprendre par exemple pourquoi ce qui fut peint à Collioure ne pouvait en aucun cas l’être à Céret et inversement. Il me faut l’aborder au travers de tous ceux qui l’ont précédés dans mon propre travail : Aix-en-Provence, le port de Carnon, l’étang de l’Or, le Pic Saint-Loup, Aigues-mortes, en passant par Saint-Tropez et Marseille… et en me saisissant des clefs tendues par l’histoire de l’art pour en faire la découverte singulière au travers du cubisme. C’est dans cet abîme, ce creux, cet espace dont je prends aujourd’hui conscience que se situe ma propre liberté et dont l’aune exacte sera définie par la façon dont j’aurais franchi cet obstacle et traversé cet inconnu“.

A Aix-en-Provence, le Pic Saint-Loup ou Aigues Mortes viendront s’ajouter une trentaine de très grands tableaux réalisés lors d’un séjour en résidence à Céret intégrant ainsi ce lieu mythe du 20ème siècle dans la grande trajectoire de sa réflexion plastique, philosophique et intellectuelle. Bioulès a capté l’essence même de ce révélateur qu’à été Céret pour les grands artistes de paysage dans cette ville : Picasso, Braque, Soutine, Chagall et bien d’autres… Tous ont travaillé sur cet espace paysage et l’ont intégré dans leur recherche.

L’exposition de l’été 2006 comprendra près de 80 œuvres sélectionnées depuis 1966 jusqu’à nos jours, reprenant sa réflexion sur l’espace et le paysage, y seront présentés les premiers paysages abstraits et notamment Volley Ball 1966, l’œuvre retenue lors de l’exposition IMPACT I à Céret*º ainsi que les grands thèmes abordés dans son travail à travers les sites historiques qu’il a saisis.

Elle donnera à lire de la manière la plus exhaustive possible la préoccupation constante dans l’œuvre de Bioulès depuis près de 40 ans : une réflexion singulière de la figuration à travers la peinture d’aujourd’hui.

* Artistes faisant partie de ce mouvement.

*º Vincent Bioulès, à l’occasion de l’exposition de Céret, fait don de cette pièce historique aux Collections du Musée.